Le transsibérien
D’après Blaise Cendrars
Mise en voix de Gauthier Leroy
Avec Camille Taver (piano) et Eric Auvray
Présentation
Histoire du transsibérien
Ce qui touche avant tout, c’est le côté direct du texte de Cendrars. Et cette Poésie est de la prose dans laquelle on parle du browning, des prostituées, de la guerre. C’est un texte situé dans l’histoire. Il s’agit de la guerre russo-japonaise qui se déroule de 1904 à 1905. Elle oppose deux empires ; celui du Japon à la Russie. C’est de la prose parce qu’un bourlingueur comme Cendrars utilise un regard de reporter, un regard concret. Et il en profite pour créer sa propre mythologie. Loin de Cendrars d’ergoter sur la découverte des images-associations des psychiatres américains, ce n’est pas lui qui s’extasie sur la différence de la prose et des vers. Ce qui lui plait, c’est la découverte des rythmes des mots, de faire s’entrechoquer les sons. C’est pourquoi il dédie ce texte aux musiciens. Il côtoie Auric, Honegger, Milhaud. Toute cette musique fait de son cerveau une chambre d’écho. Il se veut le chantre du modernisme et il dédie aux musiciens ce poème.
Le chemin de fer, il en déchiffrait les rythmes et ils sont complexes. Comme il se perd dans les rythmes des couleurs des Delaunay, il est fasciné par les rails et ses embranchements et sa poésie est cinématographique avant que le cinéma s’empare de cette poésie. Il explorera cela en film avec « La Roue » d’Abel Gance.
A cette image du modernisme, il oppose l’image de Jehanne de France. On l’imagine avec son armure dans le wagon alors que c’est la machine à vapeur qui est cuirassée. C’est pour cette raison que les russes appellent le train un Samowar. Elle, au contraire, est nue, n’a pas de corps, c’est à dire il se voit en marlou et joue des mécaniques comme le train.
On passe de la découverte innocente du monde à l’horreur du monde. En même temps ce monde offre des paysages enchanteurs loin de cette horreur.
Quel intérêt de dire cette prose ?
Aujourd’hui. La forme du poème,
Son rapport avec la musique (d’où la présence du piano),
La volonté de l’Empereur d’être moderne,
La glorification de la ville lumière Paris et son modernisme,
La volonté de Cendrars d’être un poète moderne qui comprend la pub et les slogans,
L’énergie juvénile et sa violence,
En cabotinant, il dit « Peu importe de savoir si je l’ai pris, l’important c’est que vous l’ayez pris avec moi ».
Tout est faux dans ce récit. Le train ne va pas vite ; il fait du 50 km/h ce qui n’est pas excessif mais il suffit de raconter que les rails étaient mis bout à bout sur la glace pour ressentir alors un frisson de peur et qu’à 50 km cela ferait des dégâts,
Confronter la musique des notes à la musique des mots,
Ce qui est semblable à la démarche de Rimbaud chez Cendrars, c’est l’arrêt brutal de la série des grands poèmes. La grande affaire c’est la perte de son bras et une attitude de reporter, d’homme ayant vécu qui aime le risque, batailleur qui crée un mythe autour de lui.
Une idée. Un homme assis sur un tabouret. Son passé défile, parfois s’interrompt, puis revient. Faire entendre cette flamme.
Un piano. » Le diable est au piano. Ses doigts noueux excitent toutes les femmes »
Un leitmotiv La mémoire qui s’accélère, qui se répète, qui se lance. Un thème qui revient.
C’est la mémoire et ses erreurs.
Blaise Cendrars est un écrivain d’origine suisse, naturalisé français, né le 1er septembre 1887 à La Chaux-de-Fonds, et mort le 21 janvier 1961 à Paris.
Il mène une vie d’aventurier et de bourlingueur avant d’écrire et de publier ses premiers poèmes : Les Pâques en 1912 alors que malade, il se voulait renaissant à travers les braises et les cendres, tel le phénix. De Moscou il part par le Transsibérien, en Chine : il effectue ses fabuleux voyages en compagnie d’un certain Rogovine et vit avec lui des produits de la vente de pacotilles diverses. La Prose du transsibérien et de la petite Jehanne de France, publié en en 1913 en est l’écho transposé.
Le Transsibérien est un réseau de voies ferrées qui relie Moscou à Vladivostok sur plus de neuf mille kilomètres. La majorité de la population de la Sibérie se concentre le long du Transsibérien où se trouvent quelques bassins industriels importants. Le train est parfois le seul moyen pour rallier les villages isolés. Il est surtout le plus économique et le plus fiable.
L’itinéraire principal qui est celui sur lequel est basé le kilométrage officiel passe par Iaroslavl, Danilov, Bouï, Kotelnitch, Kirov, Perm, et Iekaterinbourg avant de rejoindre Omsk via Tioumen.
Le Transsibérien a été voulu dès 1891 par les tsars pour relier les confins de leur empire, l’Ouest à l’Est. Sa construction s’achève en 1916.
Chantée par les aventuriers et les poètes :
Blaise Cendrars, La Prose du Transsibérien et de la petite Jehanne de France (1913)
Maylis de Kerangal, Tangente vers l’est (2012)
Danièle Sallenave, Sibir, réédition Folio (2015)
Christian Garcin, Le Lausanne-Moscou-Pékin (Éditions La Baconnière, 2015)
Dominique Fernandez, Transsibérien (2012)
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